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Le 31/10/2017

 

Triste jour,

 

Le chasse-marée (la belle Angèle) de Pont-Aven n’est plus. Il a fait naufrage le 16 octobre dernier, sur l’île de la Croix devant l'Aber-Wrac'h, dans la commune de Landéda (Finistère) ce dramatique accident, a malheureusement causé la mort de son skipper Anthony Meignan.

 

J’exprime à sa famille ma profonde tristesse, mes plus sincères condoléances, en lui offrant cet humble texte. 

 

Qu’il puisse apaiser sa peine par ces quelques lignes, le magnifiant.

  

Au nom de tous mes amis(es) de

L’Académie des Arts et sciences de la Mer

 

Hommage à la Belle-Angèle

À Anthony Meignan.

 

Maudit ce lieu, au nom funeste,

Qui de la Belle mit à genoux,

La belle Angèle, qui fut si preste,

Entre les îles et les cailloux.

 

Elle revenait à Pont-Aven,

Se mettre à quai pour hiverner,

Dans la fierté de cet éden,

Qui l’avait faite au port amer

 

Le flot avait de la tempête,

Gardé la vague et ses creux fous,

Ses traîtres lames et ses crêtes,

À l’apogée de son courroux.

 

Elle n’ira plus voguer en mer,

Sur la croix, elle s’est abîmée,

Emportant l’âme de son skipper,

À la fortune de la marée.

 

Honneur à ce preux capitaine,

Honneur à ses vaillants coursiers,

À ces marins qui par centaines,

Œuvrent ensemble, pour les sauver.

 

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Le 5 septembre 2017   

 La mort d'un ami...

Je pourrais commencer ce petit article par ces deux beaux vers de Pierre Corneille, néanmoins adaptés

« Orage ! ô désespoir ! ô vieillesse ennemie ! N'ai-je donc tant vécu pour être détruit ainsi ? »

L’Orage dont je vous parle est un fier vaisseau de guerre, parti le 20 août de cette année pour être déconstruit à Gand en Belgique. J’ai eu le grand honneur avec beaucoup de mes camarades de la Royale, que je salue ici, de servir sur cette belle unité en 1971. Un bateau c’est comme un homme, ça vit et ça meurt un jour dans les ténèbres du temps. C’est un compagnon qui colle à la peau, un ami sur qui on a compté, à qui on a confié sa vie, que l’on a aimé et respecté. Vous comprenez mieux l’émoi, la tristesse que peut ressentir un marin qui a servi sur un tel bâtiment ? C’est un peu un déchirement, un pan de son existence qui s’en va, un être cher qui disparaît. « Ne peuvent comprendre que ceux qui l’ont habité corps et âme, même bien après l’avoir quitté ». Le temps que j’ai passé à bord de ce guerrier des mers est infime au regard des souvenirs que je porte en moi depuis plus de 40 années ; il est là dans mon cœur, et dans la représentation d’une maquette que m’a construite mon ami Jean-Luc Elineau. Il me reste aussi les écrits que je lui ai dédiés au fil des années comme on parle à un grand frère avec des mots complices, chuchotés en moi-même au plus profond de son esprit.

 

« Va mon ami, dignement courir, dans ces eaux de l’abîme où tu t’en vas mourir.

Nos regards sont en toi emplis de nos regrets, et dans le garde-à-vous d’un ultime respect ».

          

Qui pourrait mieux (AU TCD ORAGE)

 

Qui pourrait mieux conter la mer,

Que l’humble coque d’un vieux bateau,

A la royale robe de guerre,

Qui sillonna les moindres eaux.

 

Ses souvenirs pleins, et liquides,

Ont les humeurs de l’océan,

Du flot serein, le plus placide,

A la fureur d’un titan.

 

Il peut vous décrire, sans effort,

Un Port-au-Prince miséreux,

Où mille voiles en accord,

Appareillent à la queue-leu-leu.

 

Vous dire, de ces îlots austères,

Tant la surface est désolée,

Galápagos légendaires,

L’enchantement de leur beauté.

 

Et vous narrer ces pics noirs

Fendant l’éther de Ua Pou,

Dans les Marquises, au grès du soir

Quand le soleil est à genoux.

 

Et après toutes ses ivresses,

Désarmé, rendu au pays,

Pour un dernier « tonnerre de Brest »,

Vous relater toute sa vie.

 

Qui pourrait mieux conter la mer,

Que l’humble coque de ce bateau,

Qui était ancré dans ma chair,

Et dans mon âme de matelot

 

    

TCD Orage,

 

C’était un jour d’éclair,

Dans la brume du matin.

L’Orage voguait en mer,

Dans un ciel de satin.

 

L’Orage, c’est mon bateau,

A la couleur des brises,

Courant dans les halos,

Du soleil des Marquises.

 

Enlacée avec grâce,

Sa coque de couleurs,

Laissait sur sa surface,

Des reflets faits de fleurs.

 

Sa proue coupant l’écume

Avalait son chemin,

Accompagnée par une

Multitude de dauphins.

 

Et les pics de WA PU,      (wapou)

Cinglants comme des voiliers,

Gonflaient de tous les bouts,

La mue accastillée.

 

C’était un jour de mer,

Parfumé d’un embrun,

Sur mon navire de guerre,

Où j’y étais Marin.

       

C’est pour mieux

 

Le bâtiment est dans son air,

On entend jouer du clairon,

C’est l’appel des permissionnaires,

Qui se sont massés sur le pont.

 

Au garde-à-vous et solennels,

Devant un maître* pointilleux,

Les hommes à l’allure formelle,

Restent stoïques et silencieux.

 

C’est pour mieux aller voir en ville,

Plein la braguette en trousse-queue,

Ces belles dames, pour une idylle,

Qui n’appartient qu’aux cols bleus. 

 

Voici sonnant pour les couleurs,

Le lever sacré du drapeau,

Dans la « discipline et valeur*»

Que saluent tous les matelots.

 

Au garde-à-vous comme une chandelle,

Devant un maître* pointilleux,

Les hommes impatients s’échevellent,

En égrainant ce temps odieux.

 

C’est pour mieux aller voir en ville,

Plein la braguette en trousse-queue,

Ces belles dames, pour une idylle,

Qui saura bien les rendre heureux.

 

*Maître : Grade de sous-officier dans la marine

*Deux des quatre devises de la Marine Nationale

 

   

Mon Bâtiment

 

Mon bâtiment en turbulence,

Sur une mer en (outre-bleu)*,

À la rigueur d’une allégeance,

Pliait aux vagues et aux creux.

 

Le flot, fut-il « Pacifique »

Imposant et imprécatoire,

Lançait de ses crêtes et ses pics,

Une écume toute ostentatoire.

 

Des myriades de poissons volants,

Accompagnaient la proue avide,

Dans un vol court, papillotant,

Brillant de leurs reflets liquides.

 

Au loin dans un bain de vapeur,

Panama quittait mon regard.

Mon bateau, comme moi rêveur,

S’émancipait de cette amarre.

 

* allusion à Outre-mer

 

      

Le clairon sonne

 

Le clairon sonne dans les coursives

Et dans les hommes en écho,

En de sonores offensives,

Pour le réveil du matelot.

 

Marin soldat, finis tes rêves,

Où te berçait un orphéon ;

Laisse tes songes en réserve,

Et va à l’appel du pont.

 

Le clairon sonne dans les coursives

Et dans les hommes en écho,

En de sonores directives,

Pour les couleurs et le drapeau,

 

Marin soldat, en tout honneur,

Salue l’emblème de la Nation,

Toi qui es l’âme et le cœur,

De la royale institution.

 

Le clairon sonne dans les coursives

Et dans les hommes en écho,

Pour les douceurs gustatives

Du repas et du tord-boyaux.

 

Marin soldat, à ses saveurs,

Fais bonne grâce au marmiton ;

C’est dans l’instant de ce bonheur,

Que le plaisir se fait glouton.

 

Le clairon sonne dans les coursives

Et dans les hommes en écho,

Un branle-bas à la dérive,

Plein de fatigue et de repos.

 

Marin soldat reprends tes rêves,

Va aux adieux de ce clairon,

Dans sa musique qui s’achève,

Et qui te berce de ses sons.

 

Le PITATE*

 

Il est bien loin mon PITATE,       (Pitaté)

Où l’on dansait toujours de pair

Aux bras de jeunes vahinés,

Légères et fluides comme l’air.

 

Ces fines fleurs nous poinçonnaient,

Une petite carte de danse,

Sans le savoir, ouvraient des plaies,

Dans nos désirs en abondance.

 

Un tamouré plein de frisson,

Attisait toutes nos ardeurs,

Voyant ces belles à l’unisson,

Dans la beauté de leurs rondeurs.

 

Quelques bouteilles d’HINANO*,  

Et MANUIA* de belles allures,         

Grisaient nos coeurs idéaux,

Et tous nos rêves d’aventure.  

 

Puis, comme tout s’en va et passe,

La bière et le reste envolés,

On rejoignait flétris et las,

Nos bâtiments et leurs coupées.

 

Envoi.

 

Il est bien loin mon PITATE,     (Pitaté)

Aux souvenirs de mes ivresses,

Qui enflammait PAPEETE,        (Papéété)

Et l’enjouement de ma jeunesse

 

*Pitate / guinguette polynésienne dans le port de Papeete

*Hinano / Bière locale

*Manouia / bière locale            


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le 7 septembre 2016

     

« La Saint Jeanne à Erquy » Pastel sec

de Gaby Bourlier

 

Les ports et les villes de bord de mer m’ont toujours inspiré. J’y ai puisé moult vétilles qui avaient a priori peu d’importance, mais qui mises bout à bout se sont révélées être le terreau essentiel qui constituait leurs âmes. Chacun de ces havres a une odeur, des couleurs, qui selon l’heure du jour, transforment leurs éclats et leur relief sans jamais en modifier l’essence. La mer, elle-même, joue avec ces reflets, Métamorphosant continuellement ces abris à la faveur de la marée. J’apprécie aussi ces petites « Venise » que les cours d’eau enlacent dans une étreinte humide et fusionnelle.

 L’eau est le miroir de la vie, c’est elle qui fait ce que nous sommes. Ne dit-on pas : “C'est l'eau qui fait le cygne. Qui veut faire le cygne sans l'eau fait l'oie.” ( Proverbe chinois)

    

Sine

 

Te souviens-tu de ces salines,

Qui mouillaient au bord de Séné,

Qui collaient à l’âme de « Sine*»

Comme un grain d’sel, dans un baiser.

 

De ces voilures, ocres au ponant

Comme des toiles, porte-drapeaux,

Qui se gonflaient de rouges vents

Dans la mâture des Sinagos.

 

De  ce « trois frères* » du temps jadis

Qui s’entendait d’un «  joli vent* »

Faisant rêver encore les fils,

Et les marins du Morbihan.

 

 

J’irai devant la «Maison rose* »

Dans la mémoire de ce salé,

Me rappeler toutes ces choses,

Qui me reviennent à la marée.  

 

«Sine » nom Breton de Séné.

« Les trois frères », « Joli vent » nom des Sinagos de Séné.

« Maison rose » Célèbre amer de Séné.

 

   

Paimbœuf

 

J’étais dans mes pensées, sur le bord de la Loire,

Qui comme un long ruban, immuable, passait,

Tantôt docilement, dans de luisants reflets,

Puis vive, dans le courant de son flux migratoire.

 

Elle allait à l’encontre, filant en taille-mer,

Chevauchant sur ses rides, contre vents et marées,

Assaillant l’océan, de ses fluides, mêlés,

Dans un furieux combat, au fond de l’estuaire.

 

Impassible, Paimbœuf, maître de ce couloir,

Alignait ses maisons, ordonnées en chapelet ;

Sur l’île d’autrefois, aujourd’hui mise à quai,

Collaient les souvenances de ce puissant comptoir.

 

Son phare, en sentinelle, enchaîné sur la rive,

Exilé à jamais, dans ce lieu incongru,

Sondait dans le lointain, dans un regard perdu,

Le bout de ce terroir, qui l’isole et le prive.

 

Me prenant à rêver, du jadis de cette anse,

Au temps où ce mouillage, avait suprématie ;

J’imaginais ces flots, dans ce port accompli,

Où mille et un navires, demeuraient en partance.

 

Je les y vois encore, « au Jardin étoilé* »,

Embossés dans le vert, d’un parc improbable ;

Ces vaisseaux de bambous à la coque de sable,

Cinglent dans l’étendue de cette voie lactée.

 

* « Jardin étoilé » de Kinya Maruyama à Paimbœuf.

  

CENTURI*  Petit port en Corse

 

Il est un petit port

Mignonnet à ravir,

Qui vous prend tout le corps

En vous faisant frémir.

 

La montagne de ses bras

La posée sur l’eau claire,

Livrant en contrebas

Un nid douillet de mer.

 

Dans ses mains réunis

Protégeant ses arrières,

La Serra le chéri*

Comme une bonne mère.

 

Et les maisons à quai

Se tenant face à face,

Garde tous les secrets

De la Corse tenace.

 

Ancrées en peloton,

Des barques à tout heure,

Clapotent à l’unisson

De leurs pesanteurs.

 

Et sur la place frêle,

Passant à l’infini,

Des gents en ribambelle

Avalent ce paradis.

 

*CENTURI (petit port du cap Corse)

* SERRA (chaîne de montagnes)

 

 

Erquy  

 

Il faut aller au « grès »* de ses demeures roses,

Et être « Bien-Assis »* pour en voir son château.

Mais si de sa « coquille »* vous aimez toute chose,

Il vous faudra au port vous tremper dans ses eaux.

 

Cette « Réginéa »*, d’ici ou bien d’ailleurs,

Déclive ses maisons, aux files de sa chaussée ;

Elles vont, de rue en rue, rejoindre les rumeurs

De ses vaillants marins qui l’ont tant façonnée.

 

La belle « Nazado »* en est l’âme des lieux,

Son drap de sable va, s’étirant comme une ombre.

Elle est là, endormie sous la baie où les dieux,

Jadis, l’ont engloutie dans un flot de pénombres.

 

Erquy, c’est tout l’éclat de sa centrale plage,

Que la mer enlace, en sa pleine beauté ; 

La baie, c’est le sourire de son large rivage,

Qui brille dans l’Amor, de toute sa fierté.

 

* Maisons en grès rose.

* Château de Bien-Assis.

* Coquille Saint-Jacques.

* Nom de la ville romaine que l’on situe à Erquy, mais aussi ailleurs.

* Légende de la ville engloutie de Nazado.

 

 

 

 

UN MATIN DE MON BALCON A QUIBERON

 

Belle-Île s’étirait dans un halo de brume,

Baignant toute en langueur dans l’élément salin.

En robe de dentelle, chaussées en escarpin,

Des brisants vigoureux dandinaient dans l’écume.

 

Sauzon me faisait face éclatant dans l’éther,

Livrant à son entrée une forêt de mâts,

Entrecollés en couple pour d’étranges Javas,

Aux rythmes des assauts et des remous de mer.

 

Sur les eaux des voiliers indolents de lenteur,

Laissant comme des limaces des traînées engluées.

Voguaient en file indienne dans des vents effacés,

Collés à la voilure d’un ciel de vapeur.

 

Au loin dans la blancheur, les grands bateaux navettes,

Faisant la traversée de Belle-Île à Quiberon,

S’immolaient au soleil en se croisant le front,

Dans la réalité d’un simple tête-à-tête.

 

A ma gauche le Four*, pesante cardinale,

En mal de voyage, sentinelle de fait,

Fixée comme une dent rivée à son palais,

Subissait les rejets d’une sterne vandale.

 

En vue de mon tribord, fier de son renom,

Assis en Berg er Lan, le château de Turpault,

S’abreuvait des rumeurs du port en écho,

Le Poulloux* en sifflant lui renvoyait ses sons.

 

*le Four *le Poulloux : balise Cardinal au large de Quiberon

 

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Le 13 juin 2016
   

Hommage au Colbert


La déconstruction d’un navire sur lequel on a navigué un temps avec passion, est toujours un déchirement intérieur pour le marin respectueux de son bateau.

Je n’ai pas officié sur le Colbert ; j’étais sur le TCD Orage, un transport de chalands désarmé en 2007 et voué à la déconstruction en juillet 2009. Il dort actuellement dans la rade abri de Toulon.

Je perçois évidemment la tristesse que doivent ressentir les marins qui ont servi avec ferveur cette unité.

Ne peuvent comprendre que ceux qui l’ont habitée corps et âme, même bien après l’avoir quittée.

  

Hommage

 

Ce n’est pas un élan, juste un remous funèbre,

Un tumulte soudain, dans l’élément confus,

Une ride en suspens dans un ciel de ténèbres,

Pour un noble vaisseau que le temps a déchu.

 

Il va à l’agonie, tiré par ses bourreaux,

De puissants remorqueurs, qui ajoutent à sa peine.

Sa robe de couleur, dégradée, en lambeaux,

Afflige tout son corps, d’une rouille malsaine.

 

Autrefois adulé, fleuron de la Royale,

Il a sur l’océan, honoré son drapeau,

Souvent auréolé de la flamme amirale,

Dressé sur sa mature, élevé au plus haut.

 

Tu ne croiseras plus, c’est fini, mon Colbert,

Bordeaux t’a condamné, c’est là ta destinée,

Tu ne vaux guère plus que le poids de ton fer,

De la belle structure, que tu as tant portée.  

 

Vois, ces tristes marins, qui ont servi ton bord,

Pleins de la souvenance que tu leur as donnée,

Ils se sont redressés dans un dernier effort,

D’un garde à vous profond, quand ta coque est passée.

  

Orage naguère

 

Il est de gris, sa robe en fer

À l’élégance de son drapeau ;

Son uniforme en drap de mer,

A le reflet de tous les flots.

 

Sur son pourpoint, comme un hommage,

Il est écrit le mot « Patrie »

Dans ces valeurs, son équipage,

Le vénère comme une égérie.

 

Ne voyez rien de militaire

Trop appuyé dans mes propos,

Ce sont des hommes, des hommes fiers,

Qui ont respect de leur vaisseau.

 

Nul marin ne peut prétendre

N’avoir point aimé et chéri

Ce bateau, qu’il a su comprendre ;

À qui il a confié sa vie.  

 

Si je vous en parle au présent,

Alors qu’il n’est plus que naguère,

C’est que son souvenir est grand,

Dans mon cœur et dans mes chimères.  

 

Il n’ira plus jamais en mer,

Il appartient à mon passé,

C’est un fantôme involontaire,

Que la Royale a désarmé.

 

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l’Académie en deuil

 

Les vagues comme le temps, brisent nos certitudes ;

Elles emportent nos chers, aussi sûr que le vent.

Un père, une mère, un ami, sans prélude

Sont ainsi à nos cœurs arrachés violemment.

 

C’est par ces quatre vers que je veux exprimer la perte d’un ami inestimable. Pierre Arnaud Lebonnois de Nehel,  Peintre portuaire, Journaliste chroniqueur et pamphlétaire, dessinateur de presse, caricaturiste, écrivain et auteur de théâtre, était un homme prolifique. « Il va ainsi, de la Seine à la Loire, sous le pseudonyme d’Eliby, exercer ses multiples talents au sein de nombreuses parutions aux styles très divers tels que La Liberté de Montmartre, Ici Paris, Le Pèlerin, La Vie Catholique, Le Monde de l’Education, Lui, l’Almanach Vermot, Ouest-France, Presse-Océan, L’Echo de la Presqu’Ile et bien d’autres. Beaucoup se souviennent également qu’il a travaillé pour la télévision, en collaborant notamment à l’émission « Droits de réponse » de Michel Polac en compagnie de ses confrères et amis Cabu, Loup et Siné, et un temps, de manière quotidienne sur France 3 Pays de Loire. »

Pierre Arnaud était aussi le Président fondateur de l’Académie des Arts et Sciences de la Mer, qu’il a fédérée avec une énergie et un dévouement remarquables.

« Cette association dont il a jusqu’ici assuré la présidence, compte aujourd’hui un peu plus de 120 membres issus du monde maritime, civils comme militaires, et répartis en 12 collèges suivant la prédominance artistique ou intellectuelle de leur vocation. »

Je ne peux ici relater tous les multiples talents que cet homme, marin dans l’âme, a su exercer.

Je vous invite à visiter le site de l’Académie à l’adresse ci-jointe, à la rubrique « l’Académie en deuil ».

http://www.academie-arts-sciences-mer.com/lacademie-est-en-deuil/

 

 Respect                  A Pierre Arnaud

 

Le bleu si rayonnant, c’est habillé de noir,

Dans l’obscur océan, la vague s’est figée,

Tes tableaux si vivants, si prompts à émouvoir

Ont l’inerte tristesse de nos âmes affligées.

 

Mais non, tu n’es pas seul, sur ces larmes de mer ;

Nous te tenons la main, nous sommes à tes côtés ;

Nous voguons sur ton bord, à jamais solidaire

Le cœur bien trop amer, de te voir t’en aller,

 

Mais non, tu n’es pas seul, dans ces voiles d’éther

L’affection de chacun comme un vent vient souffler

Pour ton  dernier voyage, comme un livre ouvert

C’est toute  l’Asmérie que tu vas emporter

 

Tu nous a tant donné que tous les mots son vain

Notre silence en dit plus qu’on peut exprimer

C’est pourquoi nous voulons, dans un adieu marin

T’honorer « sur le bord », comme il se doit donner.

 

 C'était

 

C’était un peintre, rêvasseur,

Le bleu, le bleu, partout, sciemment,

Couvraient ses toiles de couleurs,

Qu’il mélangeait avec du vent.

 

Sur sa palette faite d’éther,

Et d’eau, et d’eau, de l’océan,

Se retrouvait toute la mer,

L’écume lui servait de blanc,

 

Son trait serein, jamais rigide,

De vague à vague, ondulant,

Livrait sur ses œuvres liquides,

Ses rêves tracés au sextant.

 

Ses voiliers peints, toujours précis,

Réglé, réglé,  au nombre d’or,

Evoluaient dans son esprit,

En les poussant à prendre corps.

 

Vous l’y verrez hissant la voile,

Sur ces comètes en suspens,

Car ses tableaux sont des étoiles,

Qu’il a peint comme un firmament.

 

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Le 18 septembre 2015

Les voyages forment la jeunesse, dit-on ?

Il est bien vrai que cette merveilleuse période – que chacun traverse dans la plénitude de l’insouciance – est essentielle, voire même salutaire à l’épanouissement et au libre arbitre que nous acquérons dans la connaissance de la vie. Parfois, des lieux nous transcendent et nous obsèdent, s’invitant comme des fantômes qui hantent nos pensées et l’utopie de tous nos rêves, dernier retranchement psychique qui nous sépare de la folie.

La Polynésie fut pour moi ce nirvana qui, à la lumière de ses paysages, m’a transmué, réincarné dans mon propre corps, qui pourtant n’est plus le même. Il a acquis, dans ses mouvances, le détachement et la sérénité de tous ces gens, de tous ces lieux, qui m’embaument encore aujourd’hui, comme une fragrance inassouvie.

À travers mes vers, je veux rendre hommage à ce généreux peuple qui, à ma grande joie, a retrouvé son identité culturelle et ses lointaines traditions que naguère, notre civilisation avait jetées dans l’oubli.     

             

Lagon polynésien 

J’ai enlacé tes eaux féeriques et claires,

Pareilles à un tableau, renvoyant ses couleurs.

Comme un bouquet vivant, des coraux en lumière,

Accompagnaient mon cœur. 

 

Happant ce merveilleux, comme un conte d’Andersen,

Où l’incroyable va à la réalité,

Je cheminais épris, et buvais ton haleine,

En ta simple beauté.


Un banc de papillons et de perroquets fiers,

Vibrant dans la dentelle de Gorgones fluorées,

Enveloppaient mes flancs devenus éphémères,

Dans la limpidité.

 

Multicolores et fins, des poissons minuscules,

Comme des confettis, jetés à la volée,

Échappaient à la pieuvre et à ses tentacules,

Avec majesté.


Saisi de transparence et survolant le fond,

Comme une raie Manta, solitaire et dense,

J’observais les reflets de ce nouveau plafond,

Fait d’un ciel intense.


Enfin livré au chant, de toutes ces harmonies,

Ouvrant à fond mes lèvres, semblables au bénitier,

J’allais dans un baiser, consumer mes envies,

Et ton immensité.

 

 

Gauguin (Paul Koké )

 

Gravissant la colline sous un plafond sans joie,

Où tombait dru et fine une pluie en sous-bois,

J’allais dans ta palette, comme on va en passion,

Mon cœur à la fête, mes rêves en légion.

 

Plus avant sur mes flancs, en amont, en aval,

Dansaient des revenants aux formes magistrales,

Léger Tupapau*, aux bleutés refroidis,

Le corps en dégoût, mais jamais interdit.

 

Un parapet de brume, dessinait dans l’espace,

Des vahinés de plumes, à la forme tenace ,

S’étirant dans l’éther, imprégné de tes songes,

Aux confins de ces Terres et de ton petit monde.

 

J’imaginais tracer, sur tes toiles rugueuses,

Le corps nu, vanillé de ces femmes rieuses,

Accompagnant d’un jet aux subtiles couleurs,

Des danseurs en reflets, bariolés de vapeur.

 

Des chevaux tout orange et rouge de crinières,

Galopaient dans la fange d’un modeste parterre,

Finissant dans la baie, prisonniers en sursis,

Le vide pour gibet, le vent pour agonie.

 

Et au bout du chemin, dédié à tout ton monde,

Comme un ultime écrin, je découvris ta tombe.

Tes femmes étaient là, au pentu cimetière,

De ta belle Téhura aux bretonnes austères.     

 

Le blanc des monuments, couverts de coquillages,

Tranchait de ton Gisant fait d’un noir dallage,

Et le frangipanier, naissant aux branches d’or,             

Te faisait un collier de gouttes incolores.

 

Saisi dans un ballet de souvenirs denses,

Ton Œuvre défilait en images intenses,

Et je crus entrevoir, aguerri à conjouir,

L’atelier dérisoire de ton Faré du jouir.        

  1. PAUL KOKE) Nom polynésien de Gauguin

  2. (Tupapau ) Revenant Polynésien

  3.  (TEHURA) Compagne de Gauguin aux Marquises

  4.   (FRANGIPANIER) Arbre des Îles

  5.  (FARE DU JOUIR) Maison polynésienne de Gauguin

 

Le sculpteur de UA PU * 
 

En des gestes affinés, magnifiant à la gouge,*

Un morceau de miro* à l’essence rosée,

Il taillait sans répit, enfantant du bois rouge,

Un majestueux Tiki à la forme sacrée.


Ses yeux déjà ouverts peaufinaient son profil,

Dans les mains de Tàne* investi de respect,   

L’idole se couvrait de cet art subtil,

Aux marques ancestrales et chargées de secrets.


L’empoigne de ses membres recouverts de gants,

Glissait entre le crin dans la moindre plissure,

En caressant le bois de son œuvre, de flanc,

Sa chair révélait sa violasse teinture.

 

La lèpre accompagnait sa volonté en paix,

Son cœur comme un enfant, jubilait dans ses actes,

De Dieu il se souciait, pardonnant pour ses plaies,

Envahi de son art et ses rêves intacts.

 

* UA PU ( OUA POU ) Île des Marquises

* Miro – bois des îles polynésiennes

* Tàne ( Tàné) Homme polynésien

  

MITI              

 

Miti,* ô mer ! Mon bleu d’amour,         *Mer en polynésien

A la caresse toute ondoyée,

Revient dans mes rêves, à rebours,

Taris de t’avoir trop aimé.

 

J’irai dans tes lagons de verre,

Plus transparents et pellucides,

Que le cristal de l’éther,

Étincelant dans ton liquide.

 

Dans tes coraux en arc-en-ciel,

Plus lumineux que des joyaux,

Je m’emplirai de leurs dentelles,

Habillant le flanc de ma peau.

 

 Je m’unirai à ton silence, 

Que mille bruits entretiendront,

Je serai là, dans ta mouvance,

Enlaçant toute ma raison.

 

Et avalant ta symphonie,

De friselis en bulle majeure,

J’irai dans l’antre de tes plis,

Me souvenir avec bonheur.

  

 

Tiki de BORA BORA

 

Sur la commode de bois ciré,

Reclus au temps qui s’amoncelle,

Croule un Tiki désenchanté,

Dans un décor intemporel.

 

Va mon idole, tu me ressembles,

Tes grands yeux restent insoumis,

C’est la folie qui nous assemble,

Et qui contraint nos rêveries.

 

Enchevêtré dans la poussière,

Aussi vieille que nos souvenirs,

Nous frémissons au courant d’air,

Qui nous ferait enfin partir.

 

Va mon idole, comme mes songes,

Tu es bien loin du paradis,

Cette langueur qui là nous ronge,

Sont nos espoirs inassouvis.

 

Mais un matin, poussant la porte,

Dans le sillage d’un très grand frais,

Nous partirons comme feuille morte,

Comme Verlaine, au vent mauvais.

 

Les alizés plein d’indigo,

Et tous les bleus des mers du sud,

Portant nos rêves idéaux,

Effaceront nos servitudes.

 

Puis au lointain parmi l’éther,

Refleurissant de ton Mana,

Nous reverrons enfin ta terre,

De retour à BORA BORA.

 

 

Le PITATE*

 

Il est bien loin mon PITATE,              (Pitaté)

Où l’on dansait toujours de paire

Aux bras de jeunes vahinés,

Légères et fluides comme l’air.

 

Ces fines fleurs nous poinçonnaient,

Une petite carte de danse,

Sans le savoir, ouvraient des plaies,

Dans nos désirs en abondance.

 

Un tamouré plein de frisson,

Attisait toutes nos ardeurs,

Voyant ces belles à l’unisson,

Dans la beauté de leurs rondeurs.

 

Quelques bouteilles d’HINANO*,  

Et MANUIA* de belles allures,         

Grisaient nos coeurs idéaux,

Et tous nos rêves d’aventure.

 

Puis, comme tout s’en va et passe,

La bière et le reste envolés,

On rejoignait flétris et las,

Nos bâtiments et leurs coupées.

 

Envoi.

 

Il est bien loin mon PITATE,     (Pitaté)

Aux souvenirs de mes ivresses,

Qui enflammait PAPEETE,        (Papéété)

Et l’enjouement de ma jeunesse.

 

  

Bora Bora      À Henri Hiro

 

Maui* fit, d’un seul poisson,    (Ma-ou-i)

Pora Pora* et ses lumières,

Il  mit gardien, en ses deux monts,

Le Pahia* et son grand frère.      (Pa-hi-a)

 

Pour les flatter, d’une moirure,

Il créa les bleus du lagon,

Et fit autour, une ceinture,

Pour achever ce panthéon.

 

Son eau si pure et cristalline,

Issue des larmes de Hina*

S’étend de mille Perles fines,

Agglutinées, tant elle pleura.

 

Pour la vêtir de sa flore,

Il fit d’un souffle corallien,

Toute une vie omnicolore,

Dans cet aquatique jardin.

 

À voir cette ile, de sa nue,

On dirait une raie manta,

Qui évolue dans l’étendue,

Que fit ici Ta’aroa*.

 

Parfois au vent, comme des phonèmes,

Quand Ra* se couche à Matira*

On entend d’Hiro* un poème,

Que dans ce lieu, il composa.

 

Celui-ci est une prière,

Pour tout l’amour de son pays,

Pour les valeurs de cette terre,

Qu’il défendit, toute sa vie.

 

* Maui –Dieu de la connaissance.

* Pora Pora - nom polynésien de Bora Bora.

* Le Pahia - le plus petit des deux monts de l’ile.

  * Hina-te-po ce qui signifie « Vierge des ténèbres »

  Quand elle sut que son époux était son père, elle s’enfuit dans les abîmes. 

* Ta’aroa – Dieu créateur.

* Ra – soleil.

* Matira – pointe à l’ouest de l’ile.

*Henri Hiro – Poète, dramaturge, cinéaste, polynésien.

                

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le19 mai 2015       


Les vieux gréements

 

Les voiliers n’ont jamais été aussi nombreux sur nos mers. On ne peut que saluer ce renouveau qui allie la sauvegarde, mais aussi la reconstruction d’authentiques gréements qui jadis peuplaient les côtes de nos aïeuls. Il n’est pas un port qui n’ait pas son esquif, son chasse-marée, son côtre, sa bisquine, mais aussi, son sloop, sa tartane, son sinago et ses plates, qui servaient souvent d’annexes. Leurs noms nous sont devenus pour la plupart familiers ; mais derrière ces bateaux de légende, il y a surtout des hommes et des femmes qui œuvrent individuellement ou en association pour faire revivre la magie de ces temps anciens. J’ai eu comme tout un chacun, le grand plaisir de monter à bord de certains d’entre eux ; c’est toujours un moment inoubliable, un frisson, une odeur, qui vous pénètre et vous enveloppe dans un cocon d’éternité. Je ne pourrais les citer tous, mais en leur dédiant mes modestes textes, je veux contribuer à les faire connaître en soufflant, sur leurs voilures, l’humble brise de mes mots.

 

 Saint Michel II 

 

C’est par le vent, un joli Cotre,

Filant sur une mer de gréements,  

Faisant la fête de part et d’autre,

Avec de beaux voiliers d’antan.

 

Au près, cinglant tribord amure,

Noir de coque, trait rouge et blanc,

Ses voiles exultent dans sa mature,

Comme de vastes cerfs-volants.       

 

De son seyant nom, « Saint Michel

Deux » en bon ordre, le baptisant,

Jules Verne en fit sa caravelle,

Et le bureau de ses romans.

 

De cette École des Robinsons*, 

Les enfants du capitaine Grant*,

Planent en songe dans un Ballon*

Pour un pari, que Fogg tente.

 

À  Vingt mille lieues* de ces remous,

Naviguant  Au tour de la lune*,

L’écrivain, Sans dessus dessous*,

Nous fait rêver avec sa plume.

 

J’ai ressenti  son âme à bord,

Dans les membrures de ce voilier,

Le maître, murmurait encore,

Dans l’au-delà de ses pensées.

 

(*)Tout ou partie des titres des romans de Jules Verne.

    

Babar        A Pierre Raffin-Caboisse

 

Dans un bon plein « En père peinard* »

Naviguant un « Soir du dix mai* »

Voguait un côtre nommé « Babar »

Et son barreur qui rêvassait.

 

Leur route avait de leurs exploits,

Les longs reflets du souvenir 

De ces périples qui, autrefois,

Les avaient comblés de désir.

 

La cause en était au « Tonner »

Qui leur conta, jadis, l’onde,

Nourrissant toutes leurs chimères,

Pour un voyage autour du monde.

 

En revenant de ce vécu,

Un océan de souvenance,

Leur rappelait ces étendues,

Et leur besoin de repartance.

 

Si à la mer vous les voyez,

Dans leurs voiles bleues et terres oxydes,

Saluez-les d’une pensée,

En les laissant aux creux des rides.

 

Ne les retenez point des yeux,

Laissez leurs âmes dans ses hauteurs ;

La mer et la nue sont leurs cieux,

Pour ces vivants navigateurs.

« En père peinard* » nom du côtre qui servit de modèle pour la réplique de Babar

« Soir du dix mai (1981)* » premier nom du côtre Babar

«Tonner*» Kurun en Breton, bateau de Jacques-Yves Le Toumelin dont Pierre Raffin-Caboisse suivit les traces en 1999

Voiles bleues et terres oxydes* couleurs actuelles des voiles de Babar

 

    

La Belle-Angèle

 

Tendant sa main « un bout dehors »

Au doigt unique et élancé,

Elle va au profond de nos corps,

Et nous invite à embarquer.

 

Pour l’amour de la Belle-Angèle,

Il est « utile* » de la nommer,

J’irai m’habiller de misaine,

Pour mettre voile, à ses côtés.

 

De tout son pont, en libre scène,

Que nos pas foulent d’un baiser,

Elle nous reçoit dans son éden,

De drisses et bouts enlacés.

 

Pour l’amour de la Belle-Angèle,

Que Gauguin nous a sublimée,

J’irai tirer à tire-d’aile,

Dans les manœuvres de ses bordées.

 

En quai de cœur, à Pont-Aven,

Dans sa parure de Chasse-marée ;

Pour les Marins, elle est la reine !

Et les jadis d’un beau passé.

 

Pour l’amour de la Belle-Angèle,

Et de ces coques trépassées,

Je veux chanter de mon rappel,

Pour ne jamais les oublier.

*« l’Utile » : Chasse-marée qui a servi de modèle pour la réplique

de la Belle-Angèle.

* « Bout, Drisse » : Cordages de marine.

   

L’Hermione

 

La liberté n’est point de cendre,

Ce grain sacré, ne peut brûler…

Rien n’y peut faire, à nous déprendre,

Quand elle enflamme, nos volontés.

 

Elle a la force d’une frégate,

Qui de l’Hermione, en combattant,

A fait d’un roi en juste fiat,

Sauveteur d’un new continent.

 

Aucun navire ne peut mourir,

Fut-il occis au fond des flots,

Quand d’un espoir, il sut nourrir,

Et porter haut, des idéaux ;

 

Il fallait cœur à reconstruire ;

De nobles gens, s’y sont mis,

A Rochefort, pour reproduire

Ce bâtiment de liberty.

 

La liberté n’est point de cendre,

Parfois pourtant, elle peut sombrer…

Mais l’homme sait, toujours lui rendre,

L’épi vivant, qu’elle a semé.

 

La Belle-Poule                         

Aux goélettes, la Belle-Poule et L’Etoile                       

 

Suspendue entre ciel et mer,

Ses ailes toutes déployées,

La Belle-Poule, en vent arrière,

Par faible brise, va, déventée.

 

Le flot rivé à son allure,

Dans une eau lisse et huilée,

Mire et renvoie toute sa mâture,

Dans ce miroir improvisé.

 

La toile molle choquée aux drisses,

Tantôt tendue sur ses taquets,

Subit les coups et le supplice,

Dans la torsion de ses goussets.

 

Comme une bouteille à la mer,

Dans le chemin de son humeur,

Elle se dandine libre et légère,

Dans le ballet d’un vent moqueur.

 

Agglutinés, les focs évoquent

Amurés au jeu du beaupré, 

Des dauphins de bric et de broc,

Qui vont embrasser le hunier.

 

Pas besoin d’être vaillant et leste,

Pour franchir passe et goulet,

Pas besoin d’un tonnerre de Brest,

Quand on n’est pas barré au près.

 

Dans son sillage, vaporeuse,

Sur un couchant de voie lactée,

L’Etoile, sa consœur silencieuse,

Semble dans l’éther s’envoler.

 

 

Bateau de Guerre  

Au TCD orage

 

Il est de gris, sa robe en fer

A l’élégance de son drapeau ;

Son uniforme en drap de mer,

A le reflet de tous les flots.

 

Sur son pourpoint, comme un hommage,

Il est écrit le mot « Patrie »

Dans ces valeurs, son équipage,

Le vénère comme une égérie.

 

Ne voyez rien de militaire

Trop appuyé dans mes propos,

Ce sont des hommes, des hommes fiers,

Qui ont respect de leur vaisseau.

 

Nul marin ne peut prétendre

N’avoir point aimé et chéri

Ce bateau, qu’il a su comprendre ;

À qui il a confier sa vie.

 

Si je vous en parle au présent,

Alors qu’il n’est plus que naguère,

C’est que son souvenir est grand,

Dans mon cœur et dans mes chimères.

 

Il n’ira plus jamais en mer,

Il appartient à mon passé,

C’est un fantôme involontaire,

Que la Royale a désarmé.

 

 

Angelina     A Martine et Jean  Brouillet

 

C’est un cotre charmant, au superbe travers,

Qui porte le joli nom d’une dame qu’on aima.

Il brille de sa mémoire, renvoyant sa lumière,

Et plein de sa beauté, qu’elle portait ici-bas.

 

Il ne fend pas le flot, mais vole sur la vague ;

Le vent, sans le brusquer, l’oblige de ses baisers.

Dans ce houleux sillage, si sa coque divague ?

C’est que l’océan même, s’enivre à le porter.

 

De tous feux, ses vernis, dans des reflets d’éther,

Illuminent sa toile, imbibée de la nue,

Sa voie, comme un poème écrit à l’eau de mer,

Se perd dans l’océan, où elle s’est confondue.

 

Il a pour capitaine, un barde, un crayonneur,

Qui croque en toute page, par petit bout, la vie ;

Voguant comme son esquif, tout au fond de son cœur,

Il va dans son dessin, toutes voiles établies.

 

 

 

La Recouvrance        À la goélette la Recouvrance

 

Elle est de Brest, la fierté,

Son tonnerre, et son élégance ;

Elle est mouillée en sa cité,

Près du quartier de Recouvrance.

 

Dans son allure un peu guerrière,

En aviso, qu’elle fut d’antan,

Le bleu-blanc-rouge est sa bannière,

Mais le Kroaz Du, est son sang.

 

La dame qui rehausse sa proue,

Aux traits de la belle Azénor,

Sauvée des flots ; elle en a tout,

Les beaux yeux bleus, les cheveux d’or.

 

Sa voilure, fille du Ponant,

Ourdie de nue, tramée d’éther,

Est l’égérie de tous les vents,

Qui dans ses hunes, la vénèrent.

 

Nul ne peut ignorer son nom,

Gravé dans l’âme de son essence ;

Sur son tableau, en tout son long,

On y peut lire « la Recouvrance ».

*Légende d’Azénor

 

 

 Marie des Isles

 

Vous la verrez à l’île aux Fleurs,*

Que nul hiver ne vient faner,

Mouillée dans des exquises odeurs,

Dont tout le bord est imprégné.

 

La voilure est une aquarelle,

Humidifiée à l’élément,

Peinte avec tous les bleus du ciel,

Et de légers pinceaux de vent.

 

Son tableau ample et gracile,

Porte la marque de son nom,

Il est écrit « Marie des Isles »

Avec des lettres en bourgeons.

 

Pour entrevoir la goélette,

Cinglant dans le grand Océan,

Voyez le flot, à la lorgnette,

Car son sillage est scintillant.

 *Joli nom de la Martinique


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Le 17 février 2015     

       

 

Homme libre, toujours tu chériras la mer !

Charles Baudelaire

 

      C’est un poignant cri d’amour que nous a légué ce grand poète. Mais aujourd’hui, vraiment, qui se soucie de cette merveilleuse étendue, aussi indispensable à l’homme que peut l’être l’air que nous respirons. Oh bien sûr, elle a ses adeptes inconditionnels, des associations qui œuvrent dans de nombreux milieux maritimes : la sauvegarde du patrimoine en est un bel exemple, et nos musées de la Marine en sont aussi, en quelque sorte, d’admirables fleurons. Mais surtout, il y a les artistes ; peintres, écrivains, historiens, photographes, sculpteurs, maquettistes, navigateurs passionnés, journalistes, et j’en passe, sans oublier cette myriade de scientifiques de tout bord qui travaillent inlassablement à sa connaissance, à son respect, à sa sauvegarde, si souvent malmenée.

 

       Pierre Arnaud Lebonnois de Nehel, président fondateur de l’Académie des Arts & Sciences de la Mer, écrivait dans l’une de ses présentations de notre Académie, dont j’ai l’honneur de faire partie, 

 

Extrait :

     « Par son exceptionnel héritage historique, la France détient le second territoire maritime mondial. Pour nos enfants, il ne fait nul doute que l’avenir se trouve plus que jamais au large. Demain, la France sera maritime ou ne le sera pas…

Paradoxalement, et malgré la présence de notre drapeau sur la quasi-totalité des mers et des océans, nos compatriotes souffrent d’une cruelle méconnaissance du monde maritime réel qui les entoure et qui est le leur. »

       Bien peu de gens s’en émeuvent. En effet, la mer est un objet, un accessoire de vacances à qui on tourne le dos, sitôt qu’on s’en est allé rejoindre son piédestal de terrien. Je serais néanmoins injuste si j’oubliais cette multitude d’amoureux, qui quotidiennement, le long de nos côtes, habitent, travaillent, et qui, à leur manière, en première ligne, préservent la mer de bien des souillures et méfaits.

 

 

Ton berceau

 

Ois, dans le creux du vent, ma voix indéfectible,

Qui va comme un murmure, accompagner son chant,

Elle est comme un écho, assourdi, mais audible,

Qui  saigne aux abords de tous les continents.

 

J’étais roi au zénith, aimé par tous les hommes,

Qui parcouraient mes flots, sur tous mes océans,

On me donnait des dieux, athéniens ou de Rome ;

Neptune tenait ma main, Poséidon, mes flancs.

 

J’apportais mon tribut, de par la multitude,

Nourrissant tous les corps, de mon ventre salin,

Rien n’existait sans moi, et dans mon amplitude,

J’exauçais tous Les rêves, en forgeant les destins.

 

Mais la nature humaine, dépourvue  d’obligeance,

En s’éloignant de moi, a désappris mon nom,

Elle a, sur tous mes bords, détruit mon élégance,

Et brisé mes entrailles, en pillant mon tréfonds.

 

Qui saura sur mes rides, chanter comme Baudelaire,

En contemplant son âme, me chérir à nouveau ?

Qui saura « homme libre » en parcourant mon aire,

Dans le flux de mes vagues, reconnaître son berceau.

 

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le 10/08/2014 

 

 

 


                             

                                                    Les îles sont des bateaux, 
 

Les îles sont des bateaux,

Qui sans aucun voyage,

Ont trouvé un mouillage,

Parmi les vastes flots,

Et voguent immobiles,

Gonflées de tous les vents,

Dans l’éternel flanc

De leurs chemins liquides. 

                               

Les îles sont des bateaux.

 

 

J’ai très tôt été attiré par l’atmosphère énigmatique qui émane des îles. Elles ont toujours été pour moi une merveilleuse source d’inspiration. Mes premières rimailleries relatives à ce thème datent de mon adolescence. Pour autant que je m’en souvienne, c’était à l’île de Sein, au milieu des années 60. Je fus, alors, subjugué par cette longue et légère excroissance de terre, ceinturée d’une dentelle d’écume, qui paraissait naviguer avec langueur sur une Mer hors du temps. En y mettant pied à terre, il me sembla être monté à bord d’un serpentueux voilier qui s’accrochait tant que mal à la mue d’un ciel omniprésent. Tout me semblait écrasé, balayé par des embruns et des tempêtes, qui s’étaient s’amoncelés là,  sans doute pour mieux s’engouffrer plus tard sur le proche continent. Elle était comme une bouteille à la mer, que l’on vient d’ouvrir dans la ferveur du moment. J’étais grisé de son parfum qui s’entremêlait allégrement avec les senteurs de la pêche, les algues sèches, qui embaumaient une odeur épicée, et la lande, d’où émergeaient les effluves du fenouil marin. Je devinais le quotidien de ces intrépides pêcheurs et l’heureuse fatalité de ces femmes en noir, qui arboraient avec fierté la coiffe et la tenue traditionnelles de leur condition.

 

Il serait fastidieux d’énumérer toutes les îles et îlots qu’il m’a été donné de voir par la suite. De toute façon, il en existe tant, que fatalement, je serais bien prétentieux d’en affirmer le nombre. Certaines me sont très chères pour des raisons propres à mes souvenirs, mais aucune ne m’a laissé indifférent.

 

« Les îles sont des bateaux » est l’une de mes premières inspirations marines. Je l’ai écrit il y a fort longtemps, à bord du TCD Orage, fier bâtiment de guerre de la Royale, entre les Galápagos et les Marquises. J’avais l’âge de tous les rêves, et le Pacifique, que j’avais la chance de parcourir grâce à mon incorporation, me permit d’en réaliser beaucoup. Des îles, des îlots et des atolls, de toutes sortes, furent mon quotidien pendant de nombreux mois. Ma plus belle découverte, sans doute parce que c’était aussi ma première rencontre avec les Marquises, fut le village de Hanavave(é), dans la baie des Vierges, à FATU-HIVA. Aujourd’hui encore, je frissonne d’émotion, rien qu’en pensant à cette approche, qui fut pour moi idyllique et inoubliable. Je vis, par la suite, bien d’autres beautés de cette merveilleuse Polynésie, issue sans doute d’un paradis intemporel, créé par quelques « Tiki » bienfaiteurs. Mais jamais celles-ci ne purent égaler le vertige émotionnel que m’avait procuré la vision de Hanavave(é).

 

 

 

Hanavave(é)  

Baie d’Hanavave / Hanavavé / (Baie des vierges) Iles Marquises de FATU-HIVA

  

Quand au lointain du temps, surgit ton souvenir,

Animant en mon cœur tes parfums égarés,

Je ressens ta beauté comme on hume un plaisir,

Un baisé véhément à jamais exaucé.

 

Pétri par l’émotion, le frisson dans la chair, 

Ébahi de tes vierges, accoudées sur tes flancs

Je pleure sur la baie, entraînant mes prières,

Où meuvent les tempêtes au milieu des volcans.

 

Hanavavé sublime, ô ma fleur des Marquises,

Paradis interdit de mon cœur en lambeau,

Quand me reviendras-tu ? ô chimère conquise,

Par mes rêves élevés, comme un porte-drapeau.

 

Je me souviens livrer, à tes vicissitudes,

Habillé de tes landes, comme un paréo, 

Aliéné et soumis, buvant tes plénitudes,

Quitte à les emporter dans le froid du tombeau.

 

Ton sein comme un supplice, entaille ma mémoire,

Les traits de ta beauté, flagellent ma passion,

Et si mes yeux rougis, s’abîment dans le noir,

C’est pour mieux apaiser mes hallucinations.

  

Quand le mal me prend, rompu à ma détresse, 

Dans l’imagination de tout ton infini,

Je revois tes chevaux courant avec ivresse,

Entre les arbres à pain et les herbes fleuries.

 

Hanavavé, essence en mon moi si tenace,

Avant que l’ombre passe sur mon corps tari,

Je te promets mon cœur dans un vœu qui enlace,

Et te donne à jamais mon amour infini.

 

Je me transporterai au mirage d’un songe,

Dans la forme sublime d’un vaporeux reflet,

Mon esprit dilué de désir qui s'élonge,

Epousera tes formes d'une étreinte de paix.

 

Ile de Sein

 

C’est un bout de rocher, propice à la tempête,

Un petit coin de terre, où s’entassent les grains ;

Tous les oiseaux de mer, en ont fait la conquête,

Et nichent à la volée, se riant des embruns.

  

C’est la pointe du Raz, qui la poussa en mer, 

Jetée au « Penn ar Bed »* et aux mondes inconnus,

La laissant en Iroise, affronter la colère,

Et le déferlement de l’immense étendue.

 

 L’océan de ses crocs, qui l’a tant morcelée,

A tracé sur son bord, de démentes courbures,

Qui serpentent çà et là, en des lignes hachées,

De l’empreinte seyante, de toute sa démesure.

 

Sa nature laminée, est un cocon de lande,

Une peau de broussaille et de ronce éperdue, 

Où éclosent mille fleurs, s’offrant comme des guirlandes,

De Silène et de Criste, et de pavot cornu.

  

Mais ne vous y fiez point, les hommes ont tête haute

Valeureux à la pêche, dont ils sont coutumiers ; 

Les femmes vêtues de noir, vous accueillent en hôte,

Dans ce petit enfer qui pour eux est sacré. 

 

*<Penn ar Bed>  -  Bout du monde en Breton

 

 

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Un corps inanimé
 
Comme tout un chacun qui aime la Mer, et qui se fait devoir de la protéger, on ne saurait oublier les multiples éléments qui la composent.

C’est ainsi que sa faune doit attirer toute notre attention. Trop d’abus ont été commis dans ce domaine, notamment la pollution excessive que notre société de consommation engendre et a produit pendant des décennies.

Certains vous diront que nos pêcheurs professionnels en sont en partie responsables, de par leurs prélèvements conséquents, maintes fois dénoncés par une presse avide et caricaturale. Ce n’est pas là mon propos, mais il faut néanmoins reconnaître que l’espèce la plus touchée sur notre littoral, fut quoi qu’on en dise, en à peine soixante ans, un grand nombre de nos marins pêcheurs, accusés à tort de tous les maux.

À titre d’exemple, Roland Mornet rapporte dans sa préface de l’excellent livre de Jean-Paul léger et Maurice Gindreau, « Il était une fois des marins », que les Sables d’Olonne en 1961 avaient 1092 inscrits maritimes à la pêche, et qu’ils n’étaient plus que 170 en 2009.

Respect pour ces hommes que l’histoire a souvent broyés et toujours ignorés.

C’est la vue d’un dauphin mort sur une plage, il y a quelques temps, qui m’a enclin à vous écrire ce petit éditorial, seule la pollution était cause de son trépas.

En tant que voileux depuis plus de 35 ans en baie de Quiberon, j’ai toujours eu le souci de respecter scrupuleusement l’élément. Mais il nous suffit de naviguer par temps calme, sur une mer d’huile, pour apercevoir l’étendue de ces souillures humaines, flottant et dérivant en abondance.

Je ne ferai pas le procès de ces multiples causes, j’aspire seulement à ce que chacun en prenne conscience. Un dauphin « vivant », c’est tellement beau.

Un corps inanimé

 

Un corps inanimé, fuyant, peut-être un leurre,

Serpente les abysses, comme irait un chiffon ;

Les siens, qui l’accompagnent, dans un courant qui pleure,

Gémissent, dans ce néant, pour lui, une oraison.

 

Ce lugubre chemin, plongé dans cet éther,

Qui va comme un miroir dans un ciel tréfonds,

Se dissout dans ces flots, fait d’un linceul amer,

Menant cette âme blanche, dans un noir Panthéon.

 

C’était un jeune Dauphin, pétillant et joueur,

Qui de par les Glénans, escortait mon bateau ;

Sa troupe qui ondulait, dans mes flux enjôleurs,

S’élevait à la nue, dans de sublimes sauts.

 

Dans leurs bleus apparats ; dans ces vagues de scènes,

S’adonnant l’œil vif à des rites bouffons,

Ils bouillonnaient dans l’eau, brillant comme des sirènes,

Dans un ballet suave, pour un Poséidon.

 

Mais la Mer, immondice, couverte de souillures,

Offrit à l’ingénu, un de ses mets toxiques ;

Croyant voir une Sèche, pour saine nourriture,

Il soupa du venin d’un cruel plastique.

 

Combien de ces ondins, de ces êtres de cœur,

Nous faudra-t-il occire, au nom d’un progrès fou ?

Oui, combien faudra-t-il, de ces frères et ces sœurs,

Assassiner en mer, sans le moindre tabou.

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Il faut toujours dans la mesure de possible, défendre les valeurs et les idées que nous aimons.

De ce simple constat, il m’a semblé nécessaire de créer ce petit Blog pour exprimer et traduire toute l’étendue de ma passion pour la Mer.

Rimaillant depuis toujours, j’ai sans prétention, mais avec conviction, composé ce petit recueil, écrit avec des mots de vents.

Ces petits vers de rimes, cueillis dans l’air marin, ces quatrains faits de gouaches trempés dans l’océan du cœur, sont autant d’espoirs, mais aussi autant de révoltes, pour l’élément marin et pour ces gents de mer, si souvent éprouvés.

L’échouage du <<BREMEN>> de triste actualité, en est l’exemple flagrant.

L’actualité est parfois assassine, à en juger avec les derniers évènements maritimes du BREMEN et du COSTA CONCORDIA.

Mais où est donc passé, la probité, les compétences, le dévouement infaillible du commandant ? Seraient -ils devenus des valeurs obsolètes ?

N’en croyez rien !

Une immense majorité de ces hommes de mer, ont une très haute conscience du devoir. Ils se sont jadis, bien souvent illustrés dans des comportements héroïques, au péril de leur vie. 

C’est ce que raconte avec un émouvant talant, mon ami Jean-Paul BOSSUGE, dans son merveilleux roman (700 hommes à la mer...) une tragédie maritime qui n’a rien à envier au fameux TITANIC.

 

L’histoire vraie d’un transatlantique (La Bourgogne) qui fit naufrage le 4 juillet 1898, et dont leCommandant après avoir accompli son ultime devoir, disparut avec son bateau.

 


Commandez directement son livre sur son courriel:

 

Jean-Paul BOSSUGE jpbossuge@hotmail.com

 

 

Bremen, encore !

 

Le flux avait souillé, de son infâme crasse,

Jadis, la beauté du littoral breton ;

De ce vil « Erika », et sa laide mélasse,

Après notre courroux, las, nous nous souvenons.

 

Mais l’ineptie de l’homme, qui nous met à la peine,

Revient dans sa folie, nous vicier à nouveau,

Échouant dans nos flots, les fanges du « Bremen »,

Sur nos plages ternies, encore une fois de trop.

 

Qui pourra pardonner, l’offense à la Mer,

Les craintes du marin, brisé dans son labeur,

Qui pourra oublier, ces tâches si amères,

Qui nous font larmoyer, et qui en nous demeurent.

 

Gloire

Gloire à ces feux, grands capitaines,

Qui ont fait honneur à leurs noms,

Préférant suivre à la peine,

Leurs bâtiments de par le fond.

 

Drapés d’amour et de courage,

Dans l’infortune de leurs vaisseaux,

Ils sauvetaient leurs équipages,

Et périssaient comme des héros.

 

Que la mer chérisse en son sein,

Ces glorieux marins trépassés, 

Qui dans le devoir incertain, 

Devant la mort, se sont dressés.

 

Que l’océan, avec faste,

Au requiem de ses rumeurs,

Dans le flot bleu de ses mains vastes,

Fasse une alcôve pour tous ces cœurs.   

 

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Mon pays de cœur,

 

Il est certains endroits qui font vibrer nos sens, mais il est un lieu, un seul lieu, où volontairement, ou inconsciemment, l’on met forcément un jour son âme.

 

C’est en Bretagne, que j’ai posé sciemment mon cœur. Dans l’Argoat du vannetais, ce Morbihan où tout ondule, préfigurant déjà les bords de mer. Des courbes de bouquets d’arbres grimpent sur des vallons, qui plongent à leur tour dans de vertes pâtures. Des champs en mamelon ceinturent leur frêle enclave de généreux buissons ; barbelé naturel aux odeurs de bruyère.

L’horizon en pastel, se confond dans l’éther, donnant dans son lointain des nuances pondérées.

L’écume de la prairie, « C’est la lande vivace » qui court en des fourrés touffus et acérés.

Des cours d’eaux sinueux et cristallins, s’intègrent au mouvement, parsemés de minuscules et astucieux lavoirs, jamais trop loin d’un bourg ou d’une pieuse fontaine.

Point de ces champs immenses, qui font d’affreux décors, et laissent nos yeux stoïques, non, seulement des parcelles posées comme des linges aux multiples couleurs, qui selon la culture s’étalent du vert à l’ocre.

De malicieux villages et singuliers lieux-dits, émergent  nonchalants au  hasard  du relief, tout au bout d’un chemin tronqué et raviné, qui à l’ombre d’un bosquet surgit comme une source.

 

  Je suis,

 

Quand éventée au bout du Raz,           

Dans l’air humide des brisants,                 

La mer s’offre au sein du Breiz,        

Comme une femme à son amant.

 

Quand dans la rivière d’Auray,

Dans l’étroit lit de sa langueur,

Saint Goustan* brille et renaît,         

Au fond du port comme une fleur.

 

Au beau pays de ma compagne,

Dans la lumière du ponant,

Je suis de toute la Bretagne,

Je suis de tout le Morbihan.

 

Quand au plus haut de la falaise

Sur les hauteurs de Locquémeau,*           

Flots et nuages se complaisent,

Dans les voltiges d’un oiseau.

 

Quand s’émotionnent au port d’Audierne

Dans un adieu compatissant,

Le cœur serré des bigoudènes,

Aux chalutiers appareillant.

 

Au beau pays de ma compagne,

Dans l’Argoat rayonnant,

Je suis de toute la Bretagne,

Je suis de tout le Morbihan.

 

Quand en léchant la barre d’Étel,*          

Au gré du sable en mouvement,

La mer tricote des dentelles,

En des napperons bouillonnants.

 

Quand à Lorient tout à la fête,

Les nations celtes s’animant,

Biniou et bombarde en tête,

Enflamment le cœur de ses enfants.

 

Au beau pays de ma compagne,

Dans le Porhoët des Rohan

Je suis de toute la Bretagne,

Je suis de tout le Morbihan.

 

 * ST Goustan / vieux port d’AURAY

* Locquémeau / petit port des Côtes d’Armor

* célèbre banc de sable devant le port d’ÉTEL


 Morbihan,

 

  C’est des ilots disséminés,

  Dans un mouchoir en bout de terre ;

  Des bateaux mouillant, oubliés,

   Au fond de la petite mer.

 

   La marée rentre en galopant,

   Et les carènes à demeure,

   D’un baiser ferme et salant,

   Au flot puissant et migrateur.

 

 

   Le vent leur conte en chemin,

   Avec des mots du fond de l’air,

   Des histoires mouillées à l’embrun,

   En breton et gallo de pair.

 

   Ces cailloux s’animent au ponant,

   Quand le coucher, en fioriture,

    Brûle ces coins de Morbihan,

   De toute son enluminure.

 

    Et si vous les voyez, soudain !

    Appareillant pour d’autres mers,

     Laissez-les vous prendre par la main,

    Et voyagez dans leurs chimères.

 

     Dans ce dédale enfantin,

     Imaginez ce petit monde,

     Qui berce l’âme des marins,

      D’île en île à la ronde…

 

 

       LES CHAPEAUX RONDS,

 

       Quand vont au port, les filles d’Audierne,

      En bel habit et bien coiffées,

      La coiffe droite de Bigoudène,

      Roide, comme un phare dans les nuées.

      Les chapeaux ronds, suivent les belles,

      Pleins de désir, pour ces beautés,

      Pour le cœur de ces jouvencelles,

      Qui se pavanent, prêtes à marier.

 

       Quand vont au port, les filles de Vannes,

       Et toutes celles de Locminé,

       Bien rehaussée, La coiffe plane,

       Comme une assiette déposée,

       Les chapeaux ronds, élégamment,

       Se prennent ensemble à rêver…

       D’être l’ami, ou même l’amant,

       De ces jeunes femmes élancées.

 

        Quand vont au port, les filles de Brest

        De leurs rondeurs, affriolées,

        La coiffe au vent, et tout le reste,

        Du côté de l’Amirauté.

        Les chapeaux ronds à pompon rouge,

        Et les casquettes des hauts gradés

        Dansent à tout va, à mieux qui bouge,

         Pour mieux se faire remarquer.

 

         La morale de cette ritournelle,

         Est tout au fond de vos pensées,

         Ce n’est point dans ma cantilène,

         Que vous pourrez les y trouver.


 

  Le Sonneur noir  A Yannick Martin

   Génial sonneur de bombarde « champion de Bretagne »             

   Outragé par un racisme affligeant   

           

    Ce n’est qu’un blanc à la peau noire,             

    Un Sonnou du bord duponant,                         

    Qui d’un bagad a fait la gloire,

    Breton de cœur, mais point de sang.

 

    Outragé par quelques vilains,

    De la race dite, supérieure,

    Ne supportant pas en leur sein,

    Qu’un breton noir, soit le meilleur ?

 

    Mais en Bretagne, tous les sonneurs,

    Sont noir et blanc de leurs drapeaux,

    Ils sont de tous bords et couleurs,

    Peuvent être noirs ? Jamais négro.

 

     Morbihannais fiers, que j’aime,

     Moi qui suis d’un autre horizon,

     Brisez ce vilain anathème,

     De vos ridées, de vos chansons.

 

     Et vous marins, mes frères d’armes,

     De Lann-Bihoué et tout ailleurs,

     Tous comme à bord, unis dans l’âme,

      Défendons, Yan, avec honneur.  

 



 A l’île de Houat

 

  Le vent, si vite en fait le tour,

  Léchant la brume de ses mains moites,

  Il a l’haleine des mauvais jours,

  Par petit temps, à l’Île de Houat.

 

   Les grands voiliers ont fui en chœur,

   La plage sud s’est désertée,

    Le bourg n’entend plus les rumeurs,

    De ces nuages entoilés.

 

     De nouveau seuls et incongrus,

     Les sentiers parlent au silence,

     Leurs voix, dans la lande éperdue,

     Et les falaises font résonance.

 

      Les maisons de nouveau blotties,

      Serrées dans les bras du village,

      Se collent à leurs maçonneries,

      Comme des oiseaux dans leurs plumages.

 

       Et dans le port solitaire,

       Qui vit jadis le saint Gildas,

       Les chalutiers en gris de Mer,

       Fondent dans le grain qui leur fait face.

 

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Les voiliers 

 

Il n’y a rien de plus émouvant que le spectacle lointain d’un vieux voilier sous voile, glissant dans l’horizon comme un futile cerf-volant.

Bidonné à foison par des vents pleins et fluides, il flotte en agitant ses vaporeux contours.

 

Sa forme indéfinie, dans un halo gazeux, s’étiole dans la nue, comme un reste de rêve. Serait-ce une utopie de le chercher encore, dans les plis onduleux des flots condescendants ? Ce n’est bientôt qu’un trait qui danse, un nuage sur un nuage liquéfié dans l’éther et dans le flux des eaux.

 

Des limbes pleins de mouvances transpirent dans son sillage, comme un écho latent à l’âme indélébile.




La Belle-Angèle

 

Tendant sa main « un bout dehors »

Au doigt unique et élancé,

Elle va au profond de nos corps,

Et nous invite à embarquer.

 

     Pour l’amour de la Belle-Angèle,

     Il est « utile* » de la nommer,

     J’irai m’habiller de misaine,

     Pour mettre voile, à ses côtés.

 

De tout son pont, en libre scène,

Que nos pas foulent d’un baiser,

Elle nous reçoit dans son éden,

De drisses et bouts enlacés.

 

     Pour l’amour de la Belle-Angèle,

     Que Gauguin nous a sublimée,

     J’irai tirer à tire-d’aile,

     Dans les manœuvres de ses bordées.

 

En quai de cœur, à Pont-Aven,

Dans sa parure de Chasse-marée ;

Pour les Marins, elle est la reine !

Et les jadis d’un beau passé.

 

     Pour l’amour de la Belle-Angèle,

     Et de ces coques trépassées,

     Je veux chanter de mon rappel,

     Pour ne jamais les oublier.

 

*« l’Utile » : Chasse-marée qui a servi de modèle pour la réplique

de la Belle-Angèle.

* « Bout, Drisse » : Cordages de marine. 


 




Marie des Isles

Vous la verrez à l’île aux Fleurs,*

Que nul hiver ne vient faner,

Mouillée dans des exquises odeurs,

Dont tout le bord est imprégné.

 

La voilure est une aquarelle,

Humidifiée à l’élément,

Peinte avec tous les bleus du ciel,

Et de légers pinceaux de vent.

 

Son tableau ample et gracile,

Porte la marque de son nom,

Il est écrit « Marie des Isles »

Avec des lettres en bourgeons.

 

Pour entrevoir la goélette,

Cinglant dans le grand Océan,

Voyez le flot, à la lorgnette,

Car son sillage est scintillant.

 

*Joli nom de la Martinique


 

Mon Bâtiment

 

Mon bâtiment en turbulence,

Sur une mer en (outre-bleu)*,            * allusion à Outre-mer

À la rigueur d’une allégeance,

Pliait aux vagues et aux creux.

 

Le flot, fut-il « Pacifique »

Imposant et imprécatoire,

Lançait de ses crêtes et ses pics,

Une écume toute ostentatoire.

 

Des myriades de poissons volants,

Accompagnaient la proue avide,

Dans un vol court, papillotant,

Brillant de leurs reflets liquides.

 

Au loin dans un bain de vapeur,

Panama quittait mon regard.

Mon bateau, comme moi rêveur,

S’émancipait de cette amarre.

 

Commentaires

12.08 | 06:06

Poèsie, voici un art que maîtrise parfaitement notre ami JFZ. Le Peuple de la mer, se réjouit de se retrouver dans son florilège.

29.06 | 21:21

L'association de mots qui forment des phrases magnifiques nous enchantent et nous procurent un plaisir gourmand de notre belle langue française.

03.02 | 13:40

Μagnifiques - tous!

29.07 | 16:31

Je te salue , poète des îles ! Le poème que je préfère est celui qui dépeint si bien l' île de Sein , concis comme ce petit bout de cailloux épars dans l' océan